A vot' bon coeur, m'sieurs dames !

La Mélodimanie

Ce matin, Capucine criait dans la maison : "Mamaaaaaan, Mamaaaaan !"
- Mais que se passe-t-il ?
- Je crois que je suis malade ! Il faut appeler le docteur !
- Qu'est-ce que tu as ?
- J'ai une mélodie dans la tête et elle ne veut pas sortir !

- Ah bon ? Et que raconte-t-elle cette mélodie ? Tu veux bien me la chanter ?
- Si je la chante, je vais y penser encore plus et elle ne sortira pas …
- Ne bouge pas.
Sa mère alla dans la cuisine chercher son tablier, et le mit à l'envers, ce qui en fit une blouse blanche.

- Je me présente, je suis Nicole, Mélodicologue. Je suis docteur en mélodie et je vais vous soigner.
Elle ausculta le front et les oreilles de Capucine. Le verdit fut sans appel.
- Je vois très bien ce que vous avez … vous avez la Mélodimanie. Vous vous chantez une chanson sans vous arrêter et elle n'arrive pas à s'échapper !
- Oui c'est exactement ça !

- Alors voici les médicaments que je vous donne. Vous devez chanter deux ou trois autres chansons pour la chasser.
- Lesquelles ?
- Euh, je ne sais pas moi, Une Souris Verte, Une Poule sur un Mur, Il était un petit Navire, ce ne sont pas les chansons ou les comptines qui manquent …
- Mais si je me mets à chanter les nouvelles chansons tout le temps à la place ?
- Ah oui zut …

- Et bien, il faut que vous vous occupiez. Jouez, dessinez, écrivez, dansez … mais il faut que votre tête ne pense plus à la chanson et vous verrez, elle partira toute seule.
Sa mère n'arrêtait pas de gesticuler dans tous les sens et cela amusait Capucine.

En moins de temps qu'il ne fallut, la petite fille ne pensait déjà plus à la petite mélodie qui ne s'arrêtait jamais. Elle rigolait, rigolait, et elle dansait, dansait …
- Je n'ai plus la Mélodimanie !
- Alors je crois que ma consultation est terminée, à bientôt mademoiselle.
Elle retira sa blouse de Mélodicologue et s'en retourna dans la cuisine.

Pourtant, dans un coin de la tête de Nicole, résonnait une petite musique qui allait avoir bien du mal à s'échapper …
"Dansons la Capucine, vive le son, vive le son …"

Ni le plus, ni le moins

Il était une fois un ours que l'on lâcha dans la montagne. Fier de lui, il n'hésitait pas à rouler des épaules pour montrer sa force colossale. Il savait que sa puissance impressionnerait les autres animaux, qu'on le respecterait et ainsi il se ferait rapidement des amis.

Voyant les habitants le regarder d'un air étrange et méfiant, il décida de s'imposer en grognant de toute sa voix. Il espérait ainsi qu'on ne le prendrait pas pour un poltron.

Un écureuil, haut comme trois noisettes, vint le voir et lui dit : "Inutile de jouer les grosses pattes avec nous, tu sais, la montagne est plus forte que toi."

C'est vrai, la montagne était bien plus grande et imposante que lui. Alors, après l'avoir bien regardé de sa pauvre position de plantigrade ridicule, il baissa la tête et alla ronchonner dans son coin.

De là où il se trouvait, il attendait déjà les bêtes rire. Il aurait bien du mal à se faire des amis. Mais l'écureuil revint le voir et lui dit : "tu n'es pas à plaindre non plus, tu es loin d'être le plus faible d'entre nous".

C'était vrai cela aussi. Après tout, il n'était ni le plus fort, ni le plus faible. Il trouverait toujours quelqu'un pour le surpasser dans un sens ou dans l'autre. Ainsi, comme le commun des autres animaux, il pouvait espérer s'intégrer facilement et faire de nouvelles connaissances.

Ainsi, après les toutes premières moqueries, le colossal animal se lia d'amitié avec l'écureuil, ainsi que tous ses compagnons. Il comprit vite qu'il était notamment plus costaud que son ami rongeur, mais moins agile. Plus grand mais moins sage. Et on pouvait longtemps continuer la liste ainsi.

D'étranges rôdeurs se promenaient ces temps-ci dans la forêt munis de bâtons de feu. L'ours n'avait jamais vu de gens aussi menaçants. Ils étaient sûrs de leur force grâce à leurs armes.

Voyant qu'ils en voulaient à ses nouveaux amis, l'ours fit jouer toute sa force pour mettre en fuite les braconniers. Il était bon de sentir que l'on pouvait protéger quelqu'un.

Quelques jours après, ceux-ci revinrent pour chercher l'ours. Les autres animaux ne pouvaient pas le protéger. Alors il se souvint des paroles de l'écureuil et partit se réfugier dans la montagne protectrice, où ses grandes pattes seraient plus agiles que les jambes des hommes. Il était bon de sentir qu'on trouvait plus fort que soi.

Ainsi la bête prit ses marques avec ses amis, dérangés de temps en temps par quelque présence humaine, dans la nature qui à jamais ne le plaça ni à un bout ni à l'autre de l'échelle.

Il était bon de sentir que l'on a toujours plus fort et plus faible que soi.

La grève de la faim

Il était une fois un renard qui se plaignait de ne plus avoir assez d'animaux à manger. "Il n'y a plus rien à croquer ici, où sont partis tous les animaux ?"

Il décida alors de se mettre en grève de la faim.
"Je veux manger, je veux manger !" protestait-il.
"Puisque c'est ça, j'arrête de manger jusqu'à mon prochain repas !"

Le bruit de sa grève de la faim arriva jusqu'aux animaux qui habitaient loin, très loin de l'autre côté de la forêt.

Un lapin bientôt se présenta : "c'est toi le renard en grève ?"
"Oui, je suis le renard en grève de la faim."
"Tu n'as rien à manger ici, alors ça ne change pas grand chose. Est-ce que tu sais que tu es ridicule ?" ajouta le lapin.
"Cela ne fait rien".

"Moi je préfère manger cette bonne carotte que j'ai prise avec moi".
Le renard regarda le lapin manger avec envie. Mon ventre se nouait mais il voulait continuer son combat.

Une poule arriva peu après : "c'est ici le renard qui a arrêté de manger ?"
"Ici même" répondit le goupil.
"Tu as mauvaise mine, vraiment ce n'était pas une bonne idée" ajouta-t-elle
"Dis ce que tu veux, poule".

"Moi je préfère picorer cet épi de maïs que l'on m'a donné".
Le renard regarda la poule grignoter elle aussi, avec le lapin qui dégustait toujours sa carotte. Les deux animaux le faisaient râler et il commença à un petit peu regretter son choix.

Ainsi un campagnol pointa également le bout de son museau. "C'est ici que l'on vient se moquer du renard affamé ?"
"Hé ho, je ne te permets pas !"
"Renard, toi la terreur, tu es en train de te transformer en bête toute maigrichonne. Mange au moins quelques fruits" ajouta le campagnol.
"Je veux de la viande, et ton avis ne m'intéresse pas de toute façon".

"Moi je préfère me régaler avec ces graines et ces racines"
Le renard avait à présent le ventre qui gargouillait très fort en voyant ces trois animaux en train de manger. Après quelques secondes de réflexion, il prit la parole.

"J'ai pris une décision, j'ai décidé d'arrêter ma grève de la faim".
Le lapin, la poule et le campagnol ne l'écoutaient presque pas, tout occupés à leur nourriture et bien décidés à le rendre jaloux.
"Fais ce que tu veux, renard, cela ne nous concerne pas" répondirent les autres animaux.

"Oh que si, justement !" fit le goupil [regard menaçant]