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Justin de l'Eyrieux

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Justin de l'Eyrieux Empty Justin de l'Eyrieux

Message par Infinitive Sam 28 Jan 2012 - 16:33

La vallée de l'Eyrieux est une magnifique vallée qui serpente en moyenne Ardèche, elle part d'une petite ville de montagne appellée le Cheylard pour venir mourir dans le Rhône à mi chemin entre Valence et Montélimar...

C’est une histoire que l’on chuchote… Que l’on se raconte depuis la nuit des temps… Ah en ces temps-là…

Il n’existait pas tous ces appareils d’aujourd’hui. Non… Les hommes n’avaient pour se parler que ce que dieu leur avait donné. La voix et le cœur… Oui le cœur parfaitement… Parce que sans le cœur, que serait les mots n’est-ce pas ?


Le cœur, c’est bien lui qui teinte de couleur les jours de la vie. Même les jours les plus gris…

Enfin, ce n’est pas le sujet de mon histoire… Ou plutôt si…

Cela se passait dans la plaine du Rhône. A cette époque elle s’étendait de Loriol au Cheylard…

Oui, oui parfaitement, au Cheylard. Là seulement commençaient les monts d’Ardèche.

Le Rhône était encore un fleuve fou et tumultueux. Ses flots léchaient les rives tout la saison sèche et s’emparaient rageusement des plaines lorsque le vent d’hiver se levait. Il n’était pas rare que des lieux comme les Ollières soient envahi par les eaux noires.

Les rares habitants se réfugiaient alors sur la butte des « Hauts Sombres » unique monticule de toute la région.

Là-haut, vivait Monseigneur. Nul ne connaissait son nom… Nul ne lui parlait. C’était un homme grand et puissant, le sourcil noir et broussailleux, le vêtement richement ourlé de pierreries, les cheveux fous et les yeux sombres… Il avait fait bâtir, tout en haut de sa colline, une demeure large et pierreuse. Les murs d’enceinte, épais comme un cheval, cachaient au regard des intrus la vie des habitants du lieu.

Il se disait le soir auprès des feux, qu’il vivait là-haut, prisonnière, recluse et malheureuse, une jeune femme si belle que le soleil en avait été vexé. Si vexé qu’il n’éclairait plus les salles de la grosse bâtisse.

Il faut l’imaginer cette bâtisse. Plantée sur la seule colline de la plaine du Rhône, posant son ombre noire sur les champs à ses pieds. On y entendait les soirs ou le vent amenait, les piaffements terrifiants des chevaux bruns.

Nul ne s’en approchait sauf les jours de crue. Alors là, le petit peuple de la plaine se hâtait vers les portes monstrueuses et les plus hardis d’entre eux frappaient au bois noir scellé de ferronneries. Ils entraient, les uns après les autres, la capuche bien avancée sur le visage, les yeux baissés. Pour ne pas croiser le regard de braise du maitre des lieux. Ces jours-là, dans les bras de leur mère, même les bébés se taisaient.

Dès que l’eau noire du Rhône se retirait, ils s’empressaient de partir, de fuir ce lieu terrifiant qui figeait leurs cœurs et leur sang …

Justin lui, n’avait pas au ventre ces terreurs qui menaient les anciens. Il était jeune et fougueux, il rêvait de conquêtes et de batailles, de faits d’armes et de valeur. Il ne voulait pas comme son père, gratter cette terre noire pour y voir lever les plantes et les fruits. Il pensait le jeune fou présomptueux, pouvoir batailler tous les géants des Alpes, pouvoir combattre le monstre du Vercors, amener au pied de sa mère, lié, le fabuleux monstre à huit têtes dont les légendes parlaient encore…

Il pensait pouvoir arrêter de son cri et de son bras armé, la horde des autres, de ceux de l’autre côté du Rhône.

Justin… Son âme romantique et glorieuse s’accommodait fort bien de la légende qui courrait sur la mystérieuse jeune femme des « Hauts Sombres ».

Il s’imaginait, chevauchant son âne, une lance de châtaignier durcie au feu, posée sur ses genoux, traversant les murs épais, pourfendant les chiens hurleurs que l’on entendait déchiqueter leurs chaines.

Il s’imaginait prenant la belle à bras le corps, la couchant en travers de son pauvre baudet et l’enlevant à la barbe du seigneur.

Il s’imaginait encore, pauvret, un genou à terre, devant sa pauvre cahute, lui demander sa main…

Pauvret…

Son malheur vint un jour. Le seigneur en grand équipage traversa le village, les chevaux furieux martelant le sol de leurs sabots ferrés, bousculant et renversant les enfants dans le ruisseau, l’écume blanche aux naseaux, tels des animaux enragés.

Justin couru à son âne, il grimpa dessus d’un seul bond, faut dire qu’un âne, ce n’est pas bien haut… Il monta jusqu’aux « Hauts Sombres » et martela la lourde porte de bois.

Celle-ci grinça et s’entrouvrît à peine, Justin, poussant son avantage, tira ce qu’il put et se faufila dans la brèche.

La jeune femme était là. Une enfant presque. Les yeux verts, de nacre et de lierre, la peau d’une blancheur invraisemblable, les mains fines et translucides qu’elle tordait de terreur.

« Madame, dit Justin, A cet instant, je vous ai vue et mon cœur s’est saisi de mes yeux… Madame, je ne saurais plus maintenant vous quitter du regard… J’en mourrais… Dites-moi, dites-moi que cet homme féroce et monstrueux n’est pas votre époux. Dites-moi cela Madame que je ne me jette pas du haut de vos murs !! »

L’enfant sourit tristement, ses yeux se remplirent de larmes et doucement et elle lui répondit :

« Las, mon doux ami, il vaudrait mieux ainsi… Non il n’est pas mon mari… Il est mon père. Il est mon père, avec toute sa folie. Et me destine à lui pour mes seize ans. »

Justin lui saisit la main :

« Mademoiselle, prenez ce bras que je vous offre et sentez y battre mon cœur. Il sera toutes nos forces, toute notre vie. Prenez ma main. Épousez-moi ce jour. Il ne pourra plus rien ! »

L’enfant jolie secoua la tête tristement. Les larmes remplirent ses yeux si doux.

« Il nous tuera… Il nous tuera surement… »

« Qu’importe les craintes ! Nous irons implorer la Dame des roches de la Combe… Elle nous sauvera ! Elle est la plus dangereuse des fées. La plus généreuse aussi. Elle ne saura résister à la beauté de notre amour ! »

Ainsi Justin convainquit-il la jeune fille terrorisée. Il l’emmena donc aussi vite que put les transporter son malheureux baudet …

Quand l’homme des « Hauts Sombres » revint le soir, il trouva la cheminée froide et le lieu vide de ses amours maudites. Il hurla à la face de la lune, il hurla sa rage et sa colère. Il maudit les amants enfuis. Il maudit la plaine et ses habitants… Il maudit jusqu’à ses chiens qui n’avaient pas tué l’intrus. Sa colère dura des jours et des jours… Il chargea de dangereux mercenaires de mener la chasse. Il les harnacha des armes les plus terribles, leur donna ses chiens les plus furieux, ses meilleurs destriers…

Dans la plaine résonnèrent les cris et les halètements. Les jours comme les nuits. La campagne ne connut plus de répit, elle bruissa de la pire des colères : la jalousie.

Justin et sa belle, se terrèrent tout ce temps, échappant, parfois de justesse à la furie du seigneur. Hélas, chaque jour, la meute se faisait plus présente, plus pressante, plus proche, l’haleine puante des chiens léchait parfois leurs pieds.

Ils arrivèrent enfin à la cabane de la Dame des Roches, la meute à leur trousse, à quelques kilomètres seulement, dans les bois de Bellevue.

La dame des roches posa sur la joue blême de la jeune fille une main tendre.

« Que vous importe le plus en cet instant ma douce enfant ? »

La petite, terrorisée mais vibrante de tendresse, regarda son Justin et répondit sans hésiter :

« Vivre auprès de lui, être libre, ivre de bonheur. »

La Dame ferma les yeux très forts, elle posa chacune de ses mains sur la tête des deux amants et prononça une incantation terrible…

Il se passa alors quelque chose d’extraordinaire. La campagne se tu. La forêt se tu. Le vent se tu. Le cœur des hommes se tu. Et le grondement s’éleva. La terre se mit à frémir, puis à vibrer. Les arbres se couchèrent sur des failles terrifiantes. Et des monts d’Ardèche, à la pointe du Cheylard, jaillit une source vive et nerveuse. La plaine se froissa comme un tissu léger et naquit la Vallée. Notre vallée, aux coudes anguleux, sauvages et pierreux. Tapissée d’arbres fiers et de fleurs. La vallée de L’Eyrieux tissée de ruisseaux vifs et chantants.

La Dame ouvrit les yeux. A ses pieds, reposaient deux aigles magnifiques. La femelle avait des yeux étranges, verts, comme mêlés de lierres et de nacre.

Elle leva ses bras blancs vers le ciel et leur dit :

« Allez ! Et soyez libres ! Soyez heureux et fiers, les coudes de ces monts vous cacheront à tous les regards… La Vallée est à vous. »

On dit encore que, dans la vallée de l’Eyrieux, on les voit toujours danser. On dit que l’œil aiguisé et patient peut parfois saisir la parade de ces oiseaux majestueux. Si vous les apercevez, ne doutez pas, ce sont eux.

Siècles après siècles, ils chahutent la montagne et se poursuivent sans cesse. C’est un enchantement que de les entendre pousser leurs cris, un enchantement qui durera tant que durera la volonté du cœur des hommes.
Infinitive
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Message par Artémis Sam 28 Jan 2012 - 18:16

Wow! Tu écris vraiment bien o_O
Artémis
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https://www.melaniegreniergraphiste.com/livres

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Message par Infinitive Sam 28 Jan 2012 - 18:30

Merci m'dame... Conte Ardèchois (pour Ardèchois) mais qui va très bien aux autres aussi non ?
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Message par Keren Sam 28 Jan 2012 - 21:15

Très beau comme tes précédents Bravo !
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http://lescontesdekeren.blogspot.com

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Message par Infinitive Dim 29 Jan 2012 - 7:38

merci !
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Message par boutchoupitchou Dim 29 Jan 2012 - 12:18

Bon moi je te l'ai déjà dit mais ton conte mérite qu'on radote alors : j'adoooooooore Very Happy
Merci pour le voyage, c'est trop beau ♥️
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http://boutchoupitchou.canalblog.com/

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